Interview

Entretien avec Rosario Castillo, PDG de Coface

Ce mois-ci, à l'occasion de son 25e anniversaire, nous avons eu l’opportunité de nous entretenir avec Rosario Castillo, PDG de Coface Pérou, entreprise membre de la Chambre de Commerce et d’Industrie Péruvienne-Française depuis 2004. Dans cette interview, elle partage avec nous un aperçu de sa trajectoire, ainsi que sa vision du recouvrement et de l’analyse des risques financiers sur le marché péruvien, en dirigeant une entreprise à matrice française. Elle revient également sur l’évolution de Coface au cours des dernières années.

Quels ont été vos premiers pas dans le monde professionnel ? Qu’est-ce qui vous a motivée à poursuivre une carrière dans le secteur financier ?
J’ai commencé mes huit premières années de carrière dans l’audit externe, puis j’ai exercé pendant 17 ans comme directrice financière (CFO), ce qui a consolidé mon expérience dans le secteur financier. J’ai été attirée par l’évaluation des risques et la manière de les minimiser dans toutes les décisions d’affaires.

Quels ont été les principaux défis et enseignements liés à la direction d'une entreprise globale dans un environnement local comme le Pérou ?
En tant qu’entreprise de services, ma priorité ce sont les personnes. Obtenir leur satisfaction dans un environnement comme celui du Pérou est un défi quotidien : comment les motiver, leur faire croire en leur développement et les inciter à s’engager auprès de Coface.

Nous recherchons un service plus innovant, en intégrant la technologie afin d’éviter les processus manuels, souvent coûteux et lents. Les clients attendent plus de réactivité de notre part. Le défi consiste donc à tirer parti de tout ce que nous pouvons offrir, mais dans une approche plus technologique et innovante.

Y a-t-il eu une figure clé dans votre vie qui vous a inspirée à emprunter la voie du leadership en entreprise ?
Je crois qu’il n’y a pas qu’une seule personne sur ce chemin. J’ai eu la chance de travailler avec de grands leaders au cours de ma carrière. Je retiens surtout ceux qui ont été les plus exigeants, que j’ai peut-être considérés comme mes supérieurs les plus difficiles, mais ce sont avec eux que j’ai accompli plus que ce que je pensais être capable de faire.

Cette année, vous fêtez 25 ans de présence dans le pays. Comment Coface a-t-elle évolué au fil du temps et quels sont, selon vous, les moments clés de son histoire au Pérou ?
Nous avons évolué principalement grâce aux développements technologiques. Je suis chez Coface depuis huit ans et, à mon arrivée, tout était très manuel. Aujourd’hui, nous innovons, et cela constitue un apport fondamental pour fournir des informations plus rapidement. J’ai été témoin d’une transformation constante, même en comparant sur une période de trois ans. C’est un processus de changement rapide et continu. Dans un domaine comme la finance, il est essentiel d’en tenir compte.

La stratégie de Coface a-t-elle changé ces dernières années ? Quelles nouvelles opportunités ou défis entrevoyez-vous à court et moyen terme ?
Aujourd’hui, nous avons une approche plus consultative : nous essayons de conseiller les entreprises et de leur proposer des produits adaptés à leurs besoins. Nous cherchons à comprendre leurs besoins fondamentaux et à identifier où réduire les risques pour leur apporter de la valeur. Avec nos nouvelles stratégies, il est essentiel d’être proche de nos clients, de les écouter et de leur fournir des informations pour prévenir les risques d’impayés. C’est précisément la valeur que nous pouvons leur apporter pour l’avenir. À moyen terme, nous savons que nous devons lancer davantage de projets et surtout accélérer nos initiatives d’innovation et de technologie.

Cela implique de proposer des solutions personnalisées, d’informer et de former. Quand je parle d’un service consultatif, je fais référence au soutien apporté face aux carences d’informations. On nous dit souvent : « Nous avons déjà un service d’évaluation de crédit », mais celui-ci ne prend pas toujours en compte tous les éléments clés. C’est là que nous intervenons. Il en va de même pour les clients qui ne tiennent pas compte des risques liés à leurs fournisseurs : conformité, éthique, évaluation des actionnaires, entre autres. Coface leur apporte une vision plus large, alignée sur la culture et la stratégie de leur propre entreprise.

Coface est fortement influencée par la culture européenne. De quelle manière cette culture internationale se reflète-t-elle dans vos opérations locales ?
Notre maison mère est en France, et nous recevons de nombreuses directives, en particulier sur les questions d’éthique et de prévention. Ces sujets sont abordés dès le départ, ce qui nous permet de mettre en œuvre des changements plus rapidement. Cette vision globale dépasse souvent la perception locale de l’importance de la prévention.

Ce que nous faisons, c’est combiner cette approche préventive héritée de notre maison mère avec l’agilité propre au marché péruvien, où tout est requis immédiatement : prévenir les risques de manière globale tout en obtenant des réponses rapides pour le quotidien.

Nous essayons de transmettre cette mentalité préventive dans un environnement où les entreprises réagissent souvent une fois que le problème est déjà là. Nous unissons donc le concept de prévention à notre capacité de réponse agile, car nous savons qu’ici, tout est toujours urgent.

Pourriez-vous nous expliquer comment vous intégrez les critères ESG et les bonnes pratiques RSE dans vos opérations au Pérou, notamment via l’évaluation des risques environnementaux, l’exclusion de secteurs peu éthiques et votre plan d’empreinte carbone ?
Oui, nous intégrons de bonnes pratiques en matière de responsabilité sociale et environnementale. Nous mesurons notre empreinte carbone, en collaboration avec notre maison mère. Nous sommes également très attentifs aux partenaires avec lesquels nous nous associons. Nous lier éthique et durabilité, car cela fait partie de notre analyse des risques.

L’un des axes de Coface est la gestion du risque commercial. Quel rôle jouez-vous dans l’éducation des entreprises péruviennes à la prévention et à la gestion des risques ?
Nous jouons un rôle très actif auprès de nos clients. Nous les accompagnons non seulement avec des rapports et des informations, mais aussi à travers des ateliers et des espaces de formation, afin de les aider à prévenir les risques et à rendre leurs entreprises plus rentables.

Notre objectif est d’éviter qu’un sinistre ne survienne. C’est pourquoi nous investissons beaucoup dans l’éducation préventive. Parfois, des entreprises viennent à nous avec déjà un haut niveau d’impayés. En évaluant leurs cas, nous détectons des signes qui étaient visibles à l’avance : activités non viables, marchés en déclin, signaux d’alerte évidents. Cela confirme combien il est crucial d’agir à temps, car un impayé peut entraîner l’arrêt complet d’une entreprise.

De plus, les entreprises ne lient pas toujours la durabilité à la gestion des risques. Au Pérou, on a l’impression que seules les entreprises soumises à une régulation environnementale se sentent obligées de respecter ces standards. Pourtant, l’aspect environnemental devient de plus en plus important, comme nous le constatons dans les demandes de clients qui exigent une homologation de leurs fournisseurs, non seulement pour évaluer les risques financiers, mais aussi les pratiques de responsabilité sociale, la conformité légale et les aspects environnementaux. Il existe aujourd’hui plusieurs normes internationales qui soutiennent ces évaluations. Il est essentiel que les entreprises puissent démontrer leur conformité. Chez Coface, nous réalisons également ce type d’analyse, notamment pour les clients soumis à la régulation, qui veulent s’assurer que leurs fournisseurs sont en phase avec leurs valeurs et leur stratégie de durabilité. C’est un aspect qui peut sembler secondaire aujourd’hui, mais qui sera de plus en plus crucial.

Dans un marché comme celui du Pérou, où l’informalité reste un défi majeur, comment abordez-vous cette réalité au moment d’évaluer les risques commerciaux et d’apporter de la sécurité à vos clients ?
Lutter contre l’informalité est un défi quotidien dans plusieurs de nos secteurs. En combinant technologie, réseau global et intelligence locale, nous contribuons à la formalisation, en montrant aux entreprises qu’un commerce sécurisé est plus durable et rentable sur le long terme. Toutefois, le gouvernement doit aussi devenir plus accessible pour les PME : alléger certains impôts, assouplir les normes, offrir de la formation et un meilleur accès aux capitaux. Je pense que si ces opportunités leur étaient offertes, une grande partie de l’informalité disparaîtrait.

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